Le sarrusophone, le plus aveyronnais des instruments de musique

  • Le sarrusophone se joue comme un saxophone. Sa sonorité a su séduire les plus grands compositeurs.
    Le sarrusophone se joue comme un saxophone. Sa sonorité a su séduire les plus grands compositeurs.
  • Le sarrusophone, un "militaire" saint-affricain à l’opéra Le sarrusophone, un "militaire" saint-affricain à l’opéra
    Le sarrusophone, un "militaire" saint-affricain à l’opéra
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    Le sarrusophone, un "militaire" saint-affricain à l’opéra
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Monsieur l'ouïe

Instrument de musique peu connu, mais que l’on retrouve pourtant dans les fanfares comme dans les orchestres symphoniques depuis sa création en 1863, le sarrusophone doit son nom à son inventeur, Pierre-Auguste Sarrus, un militaire originaire de Saint-Affrique. Histoire.

Ah, la musique militaire. Quel rythme, quelle mélodie ! Un peu martiale toutefois et peu amène à faire danser les amoureux sur un slow, comme d’ailleurs à faire pogoter les punks.

Mais la musique militaire peut parfois réserver des surprises, et des bonnes, à ceux qui la pratiquent.

C’est ce qui est arrivé à Pierre-Auguste Sarrus, un militaire aveyronnais né à Saint-Affrique il y a plus de deux siècles, en 1813. Pierre-Auguste épousa une carrière militaire dès ses 23 ans, d’abord comme sapeur, puis comme fantassin. Mais un petit air autre que le prestige de l’uniforme lui courait déjà dans la tête : la musique. Et c’est elle qui lui fera prendre du galon au sein de l’armée, en devenant musicien militaire en tant que "caporal-chef de la Musique". Une carrière à embrasser les harmonies, et adoucir quelque peu les mœurs militaires, qui parallèlement allaient par tous les fronts. Pierre-Auguste, tout musicien qu’il était, n’y échappa pas. Avec son régiment d’infanterie, le caporal-chef musicien fit ainsi la guerre de Crimée, puis la campagne de Syrie, récoltant même au fil des ans tous les honneurs, de la médaille militaire à la Légion d’honneur en 1864.

Et musicalement, prenant toujours du galon, jusqu’à devenir chef de musique avec le grade de lieutenant… avant d’être rayé des cadres en 1867.

Mais son plus haut fait d’armes eut lieu en l’an de grâce 1856. Peu satisfait de la sonorité du hautbois et du basson, non seulement pour jouer la musique militaire mais aussi pour les représentations en plein air, il imagina un nouvel instrument qui remplacerait les deux. Il en fit part à un facteur d’instruments de musique parisien, Pierre-Louis Gautrot, qui réalisa ainsi le premier sarrusophone, qui vit le jour dix ans après le saxophone, instrument qui lui a volé la vedette et avec lequel on l’associe parfois encore, à tort.

De la musique militaire aux plus grands compositeurs

Ce qui n’empêcha pas le sarrusophone de rencontrer le succès dès sa création. Pierre-Auguste Sarrus était bien placé pour introduire son sarrusophone dans les ensembles militaires des armées, et celui, prestigieux, de la Garde républicaine, qui l’adopta derechef. Et ce n’était pas du piston : ce nouvel instrument, classé "à bois" (à hanche double) malgré son corps métallique, avait des qualités que d’autres n’avaient pas. "Vos sarrusophones, avec les perfectionnements qu’on y a apportés, sont des merveilles de sonorité et de justesse ", déclarait ainsi le Lillois Le Ruste, sarrusophoniste attitré de la Garde républicaine, puis de l’Opéra comique.

Opéra dans lequel le sarrusophone finit un jour par entrer, et par la grande porte.

Dans la famille des sarrusophones qui compte cinq membres, c’est le sarrusophone contrebasse qui sera le plus utilisé par les compositeurs de musique symphonique de l’époque. Aussi prestigieux de nos jours encore, jugez plutôt : Massenet, Camille Saint-Saëns, Igor Stravinsky, Paul Dukas, Chostakovitch, Maurice Ravel, pour ne citer qu’eux. "C’est un instrument dont la pratique se généralisera peu à peu ", prédisait même un autre compositeur, Charles-Marie Widor.

Il n’en fut rien. Mais Pierre-Auguste Sarrus profita jusqu’à sa mort en 1876 de l’aura que son instrument avait provoquée.

Avec le temps, la musique symphonique, voire militaire, a laissé place à d’autres flonflons dans l’imaginaire collectif : blues, funk, rock, musiques du monde… À l’inverse du saxophone, qui s’est adapté à ces nouveaux airs avec succès, le sarrusophone lui est resté un instrument de l’ombre, confiné aux fosses des opéras et des salles de concerts classiques, ou quand il prend l’air, c’est au pas d’une marche militaire.

Mais qui sait, en soprano, baryton, basse ou contrebasse, peut-être qu’un jour un joueur de flûte ou de sax d’un groupe de rock ou de reggae, de Saint-Affrique ou d’ailleurs, va-t-il utiliser son doigté pour faire sonner le plus aveyronnais des instruments de musique sur des airs de musiques actuelles…

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